Eilyann contempla un moment la tunique blanche qui reposait sur la chaise avant de l'enfiler.
Il était peu courant, chez les elfes, d'aller dans une autre école que celle des bois dorés. Mais elle en avait assez de son peuple et de la cordialité froide qui en reliait les membres. Elle en avait marre de ces visages fin et beaux qui faisaient semblant de compatir à sa douleur. Elle soupira. Son regard tomba sur le grand miroir qui occupait un pan du mur de droite. Elle contempla son reflet. Sa robe blanche était à peine plus claire que sa peau et contrastait superbement avec ses cheveux aussi noir que les ténèbres. Son visage était fin, comme ceux des elfes ,et ses oreilles dépassaient de sous ses longues mèches d'encre. Son reflet lui rendit son regard. Un regard à la couleur du sang.
Ce n'était pas courant chez les elfes. Ses iris avaient une couleur rubis, qui lui donnait un aspect iréel, son reflet ressemblait plus à l'apparition d'un esprit ou d'un démon qu'à une elfe. Pourtant, elle était belle. Mais d'une de ses beautés qui n'appartiennent pas au monde des mortels et qui fascinent tout en effrayant. Avant, cela lui avait causé des problème. Des souvenirs refirent surface.
C'était il y a longtemps. Elle était alors très jeune. Très jeune et très seule. Elle était en ville avec sa mère. Naturellement, elle était allée à la rencontre d'autres enfants. Mais ceux-ci l'évitaient. Comme d'habitude. Ils la traitaient d'enfant du diable. Lui disaient qu'elle faisait peur. Qu'elle ressemblait à un humain des montagnes (C'est une insulte elfique plutôt dure à traduire car ça peut aussi vouloir dire homme des cavernes).
Elle n'était pas acceptée. Elle restait seule, partant quand les pierres se mettaient à fuser. Le seul qui l'avait accepté était Aël. Elle avait passé plus de cent ans à ses côtés. Lui, il lui disait qu'elle était jolie. Que les autres ne la voyaient pas clairement. Qu'ils étaient jaloux. Il lui disait qu'il l'aimait. Elle aussi, elle l'aimait. Lui, avec son sourire espiègle, ses cheveux chatains qui au soleil prenaient des reflets dorés, ses yeux bleu foncés et pétillants, ses mains si douce, ses doigts agiles, ses baisers à la fois doux et passionnés, son rire qui ressemblait à du cristal, les moments qu'elle avait passé en sa compagnie, dans ses bras, les soirs d'étés ou ils dormaient à la belle étoile et ou il lui racontait des histoires... Lui... Elle revint à la réalité.
Depuis qu'il était... partit... son malheur était à la hauteur de leur bonheur. Et elle avait était heureuse. Parfaitement et complètement heureuse. Elle soupira et se détourna. Quelques coups discrets sur sa porte la firent sursauter. Elle se retourna et alla ouvrir.